Made in ou Made how ? Le Made in France et Perdième

Le drapeau français, symbole du Made in France

La 9e édition de MIF Expo, le Salon du Made in France, s’est tenue à Paris Expo Porte de Versailles du 11 au 14 novembre 2021. Cet évènement annuel, lancé en 2012, affiche un objectif clair et ambitieux : « la promotion des savoir-faire d’entreprises de toutes tailles et de tous secteurs qui ont fait le choix du Made in France »1. Perdième, jeune marque française curieuse des initiatives et innovations tricolores, s’est rendue sur place. Comme les 100 000 personnes qui ont visité l’exposition durant ces 4 jours, nous sommes allées à la rencontre de nombreux petits créateurs et grandes entreprises, parmi les 830 exposants2. Une fréquentation en hausse, comparativement aux 80 000 visiteurs et 570 exposants de l’édition précédente en 20193. Des chiffres qui semblent témoigner d’un intérêt croissant des consommateurs français pour les produits estampillés bleu-blanc-rouge. Quel meilleur contexte pour vous parler du Made in France plus en détail ? Qu’est-ce que le « Fabriqué en France » exactement ? Qu’appelle-t-on le « frenchwashing » ? Et pourquoi chez Perdième, nous avons opté pour une confection européenne plutôt que française ?

La bannière du Salon du Made in France 2021

Le Made in France : qu’est-ce que c’est ?

"Made in France", un marquage pour les produits d’origine française

La mention « Made in », ou sa version française « Fabriqué en », est ce qu’on appelle un marquage d’origine ou encore une indication d’origine. Il s’agit d’une information qu’une entreprise peut inscrire sur les produits qu’elle vend pour renseigner le consommateur sur leur origine de fabrication. « Made in France », ou son équivalent « Fabriqué en France », est un marquage utilisé pour les marchandises d’origine française.
 

La mention "Fabriqué en France" facultative pour les biens non alimentaires

En Europe, indiquer l’origine d’un produit sur son emballage est une obligation uniquement pour certains types de denrées alimentaires (fruits et légumes, viande, produits de la pêche, etc.)4, dans le respect de règles de sécurité sanitaire. Pour les produits non alimentaires, c’est optionnel. Le fabricant ou le distributeur est totalement libre de faire figurer ou non cette donnée sur sa marchandise. 

Les produits estampillés Made in France 

"Made in France", une allégation réglementée et contrôlée

Lorsqu’une entreprise décide d’apposer la mention « Made in France » sur ses produits, elle n’a pas besoin de passer au préalable par une instance externe qui l’autorise à utiliser cette mention. Elle peut certes faire une demande d’Information sur le Made in France (IMF)5 auprès de la Direction générale des douanes et droits indirects pour être accompagnée dans cette démarche, mais ce n’est pas une obligation. L’indication « Made in France » est donc ce qu’on appelle une allégation commerciale6, c’est-à-dire une affirmation purement déclarative mise en avant pour valoriser un produit. À ne pas confondre avec un processus de labellisation qui requiert le respect d’un cahier des charges précis validé par un organisme certificateur indépendant.

Pour autant, l’entreprise doit s’assurer de respecter les règles qui encadrent le marquage d’origine, c’est-à-dire :

  • les règles du Code de la consommation ;
  • les règles d’origine non préférentielle du Code des douanes de l’Union européenne.

Selon le Code de la consommation, l’allégation « Made in France » ou « Fabriqué en France » doit pouvoir être justifiée à tout moment et ne doit en aucun cas induire le consommateur en erreur.
De leur côté, les règles douanières d’origine non préférentielle définissent les critères déterminant la « nationalité » d’une marchandise, c’est-à-dire le pays dans lequel elle a été produite. L’exercice est simple lorsque cette marchandise est fabriquée exclusivement à partir de composants venant d’un unique et même pays et qu’aucune transformation ne lui a été appliquée en dehors de ce territoire. On parle de produit « entièrement obtenu » dans un seul pays. L’affaire se complique lorsqu’un produit fini est issu d’une succession d’étapes de transformation – matières premières, usinage, assemblage, conditionnement, etc. – qui chacune a lieu dans un pays différent. Dans ce cas, il est stipulé que le produit final prend l’origine du pays où il a subi sa dernière transformation substantielle.
 
En cas de non-respect de ces règles, l’entreprise peut être sanctionnée pour pratique commerciale trompeuse ou tromperie sur l’origine. En France, le contrôle du marquage d’origine est confié à :

  • la Direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), soit la douane française, qui vérifie lors de l’importation la conformité de la mention « Made in France » avec la réglementation européenne ;
  • la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui inspecte les étiquettes des marchandises une fois les produits commercialisés sur le sol français.

"Fabriqué en France" ne signifie pas 100 % français

La dernière « transformation substantielle » subie par une marchandise permet donc de déterminer son origine non préférentielle lorsque plusieurs pays sont impliqués dans sa chaîne de production. Cette notion est complexe et dépend du type de produit considéré. De manière simplifiée, une transformation peut être qualifiée de substantielle si :
  • elle fait partie d’une liste de transformations spécifiques réglementairement définies pour chaque type de produit ;
  • elle constitue un changement de position tarifaire du produit dans la classification douanière ;
  • et/ou elle entraîne une augmentation de la valeur ajoutée du produit6.
Par exemple :
  • « une chemise de nuit confectionnée en France à partir de tissus indiens pourra revendiquer une origine française, si toutes les opérations qui suivent la coupe des tissus sont effectuées en France »6;
  • « un bijou en argent provenant d’Allemagne, transformé en France, est originaire du pays dont provient la majeure partie des matières sur la base de la valeur. Ce bijou sera donc considéré comme originaire d’Allemagne bien que des opérations de savoir-faire soient réalisées en France »7.
Par conséquent, le fait qu’un produit arbore une mention « Made in France » ne signifie pas nécessairement qu’il a été fabriqué dans sa totalité sur le territoire français.
 

Le frenchwashing ou francolavage

Historiquement lié à des enjeux de protectionnisme économique8, devenu argument à la fois de vente7 et de campagne9, le Made in France a le vent en poupe. Cette valorisation de l’origine est fortement corrélée à une sensibilité grandissante des Français à ce critère d’achat, largement mise en avant par les sondages10,11. Face à cet engouement du grand public, la tentation est forte d’user abondamment de la mention tant réputée, voire d’en abuser12 jusqu’à en arriver au « frenchwashing ». C’est ce que la FIMIF, la Fédération Indépendante du Made in France, traduit par le « francolavage », une « technique de communication / marketing qui vise à faire croire au consommateur, par le biais de mentions, allégations, logos et / ou de visuels, qu’un produit est fabriqué en France alors qu’il ne l’est pas »13. « Création française », « Designed in Paris », « la French touch », un liseré bleu-blanc-rouge, une image du drapeau français, un visuel du coq tricolore ou un pictogramme de l’Hexagone. Attention à tous ces éléments écrits ou graphiques qui habillent nombre de packagings alléchants, mais qui ne prouvent en rien l’origine française revendiquée des produits concernés.

Le logo "Fabriqué en France" proposé par la FIMIFLe spécimen du logo "Fabriqué en France" proposé en libre téléchargement par la FIMIF

Pourquoi Perdième ne fait pas de Made in France

Les sous-vêtements Perdième sont de confection européenne. Ils sont imaginés à Paris, en collaboration avec des artistes internationales. Leur fabrication, elle, est réalisée au Portugal. Voilà les raisons qui motivent ce choix.
 

Un compromis entre la qualité et les coûts

Comme pour toute entreprise, la question épineuse des coûts et de la rentabilité est centrale. C’est d’autant plus vrai pour la petite structure totalement autofinancée qu’est Perdième. Ce qui nous tient particulièrement à cœur, c’est la qualité des produits que nous proposons. Nous choisissons des matières premières haut de gamme. C’est le cas par exemple de la microfibre utilisée pour tous nos ensembles, deux à trois plus chère que celle employée par d’autres marques de lingerie menstruelle. Moins économique, mais beaucoup plus adaptée à la mise en valeur des fins motifs de nos créations, élément emblématique de la marque. Pour autant, nous souhaitons rester accessibles au plus grand nombre : la culotte menstruelle est une réelle innovation qui devrait pouvoir être testée par tous et toutes. Avec une fabrication française, nous devrions proposer notre culotte menstruelle à 60 € pièce, au lieu de 39 €. De plus, en tant que jeune marque, nous passons des commandes dont le volume est beaucoup plus faible que celles des grandes enseignes du prêt-à-porter, ce qui nous revient plus cher proportionnellement. Tout ceci nous amène à considérer avec attention tous nos postes de dépenses. Faire appel à des ouvrièr·es portugais.es plutôt que français.es, à qualifications égales, divise nos coûts de main-d’œuvre par deux.

Une lingerie menstruelle Perdième de qualité

Des savoir-faire mobilisables dans des délais respectables

En France, très peu d’ateliers confectionnent de la lingerie de A à Z. Si tel est le cas, ils sont en conséquence sursollicités. Les délais de traitement des commandes sont élevés, de 6 à 9 mois. Ils ont tendance à privilégier les gros volumes, donc les grandes marques ; les petits créateurs passent souvent après. En cherchant le même savoir-faire à proximité, nous avons trouvé le Portugal, réputé pour son expertise dans le domaine textile, en particulier dans la lingerie et la corsetterie. Nous avons sélectionné un atelier familial où la plupart des employés y travaillent depuis plus de 20 ans, qui respecte les législations européennes et s’assure du bien-être de ses salariés, notamment en pratiquant une rémunération juste.
 

Une attention portée au "Made how" plutôt qu’au "Made in"

Le 100 % tricolore est une réalité peu fréquente, particulièrement dans l’industrie textile. Par exemple, la plupart des fibres ou des fils utilisés ne sont pas français. C’est le cas du coton dont la culture est quasi inexistante en France. Dans ce contexte, nous ne souhaitons pas faire du « Made in France » à tout prix, au risque de participer à ce phénomène de francolavage. Certaines marques font confectionner leur lingerie hors Union européenne et ajoutent un galon en France juste pour pouvoir bénéficier de la notoriété de l’appellation. Nous préférons faire attention à la façon de produire. Nous collaborons et nouons des relations de confiance avec des fournisseurs qui possèdent éthique et savoir-faire, même s’ils sont de quelques pas en dehors de nos frontières.
 
Si vous souhaitez en apprendre encore davantage sur Perdième et nos valeurs, n’hésitez pas à consulter nos articles au sujet de la genèse de la marque et de notre pratique en matière de soldes, ou nos entretiens avec nos designeuses de talent, Janine Lecour et Lucie Mouton.

 

Écrit par cd


Sources : 

  1. MIFEXPO. MIF Expo - Le Salon du Made in France. Facebook.
  2. MIFEXPO. (2021, 24 novembre). MIFEXPO - Le salon du Made in France - Exposer
  3. MIF 2019 - Retour en images. (2020, 27 janvier). [Vidéo]. YouTube. 
  4. Acheter un produit « Fabriqué en France » : quelles garanties ? economie.gouv.fr.
  5. Obtenir une information sur le Made in France (IMF). douane.gouv.fr (le portail de la direction générale des douanes et droits indirects). 
  6. DGE. (2018, mars). Fabriqué en France, le guide du marquage d’origine. entreprises.gouv.fr.
  7. DGCCRF. Le Made in France: le nouveau critère d’achat privilégié des Français. economie.gouv.fr.
  8. CNEWS. (2017, 19 septembre). Quelle est l’origine de la mention « made in » ? 
  9. Franceinfo. Présidentielle 2022 : made in France, le salon à la mode ? (2021, 13 novembre).
  10. IFOP. Les Français et le made in France - Vague 2018. (2018, 14 septembre). 
  11. OpinionWay. CP - Insign - Les Français et le Made In France_Vague 2 - Décembre 2020.
  12. Scappaticci, E. (2017, 27 avril). Les arnaques au « Made in France » se multiplient. lefigaro.fr.
  13. FIMIF. (2021, novembre). Enquête exclusive Marquage d’origine et francolavage.

Crédits photographie principale : Photographie du drapeau français flottant au vent, Le Grand Condé, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons